“ Marie Clerel s’adonne à de curieuses actions. Elle se lève en pleine nuit pour travailler avant les premiers rayons du soleil, elle qui en a pourtant tant besoin. Elle passe des heures à observer les effets du scintillement de l’eau sur la courbe lumineuse qui s’imprime de façon changeante sur les murs de l’atelier. On la verra, par un jour froid – « pluies éparses », avait prédit la météo – assise sur un banc public, à attendre. Ce jour-là, un homme a d’ailleurs cru qu’il s’agissait d’une stratégie d’approche, et au moment où il s’est enfin décidé à s’approcher, elle s’est levée. Vingt minutes tout pile sur le banc, pas une de plus.
On pourrait très bien rapprocher ces attitudes pour le moins singulières de celles des pionniers de la photographie, au XIXe siècle. L’eurêka du Britannique John Herschel, l’inventeur du cyanotype, se résume en une phrase émerveillée, au début des années 1840 : « Light was my first love! » Quelques décennies plus tard, August Strindberg, qui réalise à partir de 1894 des Célestographies, des plaques photographiques qu’il expose la nuit aux rayonnements de la lune, trouve à se plaindre : « j’ai failli être mis dans un asile de fous, par des fous – parce que je photographiais le ciel sans appareil ni objectif ». La lumière lunaire, explique l’auteur suédois, permet de produire une image qui ressemble – hasard gourmand – « aux alvéoles d’un gâteau de miel ». Comme eux, Marie Clerel n’est pas une douce rêveuse, elle travaille : les cyanotypes et autres images plus ou moins révélées qu’elle réalise demandent un soin constant, une attention précise qui la conduisent aux actes décrits précédemment.
La série Midi l’engage, par exemple, à interrompre toute action chaque jour, de manière à exposer à l’heure dite un papier sensibilisé aux rayons du soleil, qu’ils soient puissants – auquel cas l’image se teintera d’un bleu foncé – ou timides, aboutissant à un bleuté pâle. Le changement est d’abord rapide : la feuille jaune vif prend des tonalités d’un beau vert canard, avant d’évoluer lentement. Des griffures, de discrètes macules semblables à des éphélides, des érythèmes légers brunissent le papier irrégulièrement. Elle-même insiste pour qu’on l’écrive : ce ne sont pas des monochromes, mais bien des surfaces sensibles, affectées par les aléas météorologiques, qui deviennent les supports aux souvenirs en tout genre. Face à ce bleu dense, se rappeler de l’étouffante chaleur de ce samedi passé ; et pour ce gris perle, ce jour de pluie aux trouées de soleil.
Depuis plusieurs années, l’artiste cultive une obsession précise pour la lumière, et la façon de la fixer : elle a recréé les lueurs capricieuses d’une aurore boréale, a rendu compte du caractère hypnotique des rais de lumière qui frétillent sous de lourds rideaux flottant au vent, a traqué les taches lumineuses sur les murs. Aujourd’hui, elle s’intéresse aux éphémérides de la lune – depuis son heure de lever jusqu’à son coucher – et en évoque les phases, dans des éclipses aux teintes opalines dont les contours oscillent entre le flou et la netteté. Ses Lunaisons rappellent les expérimentations de John Herschel comme celles d’August Strindberg, et leur force poétique vient aussi du fait qu’il ne s’agit pas d’images révélées, mais bien d’empreintes directes, sans médiation aucune. La série des Ciels, dont les plis flottent mystérieusement sur la surface terriblement lisse de la popeline tendue sur châssis, peuvent bien dévoiler leur énigme sans fard. C’est nous qui ne voulons pas y croire : ces ombres, sont-elles réelles ou feintes ?
Il faudra pourtant s’y faire : ici, pas de leurre, mais des bleuissements incontrôlables, des plissés qui empêchent les rayons du soleil d’agir, des éblouissements lumineux dont les mouvements sont quasiment imperceptibles. Somme toute, en acceptant avec sagesse sa nécessaire lenteur, Marie Clerel expose ici le travail du temps. ”
Camille Paulhan,
Texte pour l’exposition et le Soleil l’attend, Mars 2019
marieclerel@gmail.com
Expositions :
Solo
2019
Et le Soleil l’attend
22/03 - 11/05
Galerie Binome, Paris
2018
Rendez-Vous
Salon APPROCHE
9/11 - 11/11
Le Molière, Paris
2017
N’y Voir que du Bleu
Biennale Watch This Space n°9.
Galerie Commune, Tourcoing.
Passagères
exposition itinérante 1/03-30/03.
Jeu de Reins/Jeu de Vilains, Lyon.
(commissariat : Caroline Saves)
2015
63 minutes of sunlight (from A to B)
AMT Project Gallery, Bratislava, Slovaquie.
Collectives
2017
Cleptomanie Sentimentale
Exposition collective
10/03-17/03
(commissariat : Caroline Saves)
Lyon
L’Inventaire des Brouillards
exposition collective.
Galerie Graphem, Paris.
(commissariat : Camille Paulhan)
Mettre en Ligne
exposition collective.
Galerie Binome, Paris.
L’œil Plié
exposition collective 02/01-25/03.
Galerie Binome, Paris.
2016
Signs of Times
exposition collective dans le cadre du Prix Renaud.
Refectoire des Nonnes, Lyon
Second Hands
exposition collective.
Galerie Binome, Paris
A dessein
Exposition collective.
Galerie Binome, Paris
Jeune Création, 66ème édition
Galerie Thaddaeus Ropac, Pantin.
2015
Remediate the Everyday
exposition collective.
Atelier W, Pantin.
(commissariat : Eleni Riga)
2013
By Post
exposition collective avec le Cupboard Collective
Art Licks Weekend, Londres.
2011
YICCA - Young International Contest of Contemporary Art.
Factory Art Gallery, Berlin
TOGETHER
exposition collective en ligne
Toronto, Canada. (commissariat : Maryanne Casasanta)
NEW DIRECTIONS IN DRAWING.
exposition collective en ligne
Université d’Art et de Design Emily Carr Vancouver, Canada.
Foires
2019
Art Paris Art Fair
représentée par la Galerie Binome 04/04-07/04.
Grand Palais, Paris.
Unseen Photo Fair
unseen amsterdam
westergasfabriek
2018
Unseen Photo Fair
unseen amsterdam
westergasfabriek
21–23/09
Art Paris Art Fair
Exposition collective
Galerie Binome
05/04-08/04
Grand Palais, Paris
2017
Art Paris Art Fair
représentée par la Galerie Binome 30/03-02/04.
Grand Palais, Paris.
Interventions artistiques / pédagogiques
2017
Images Obstacles
Workshop consacré à la pratique du cyanotype.
ESÄ Tourcoing.
Atelier d’initiation au cyanotype.
Atelier Photolix, Lille. 21/10/2017.
Conférence et rencontre
avec les étudiants de l’ESÄ Tourcoing.
ESÄ Tourcoing, 11/10/2017.
Collaborations & Publications
2015
Participation au projet éditorial J+K (Jullius Koller & Kveta Fullierova)
Sputnik Edition, Bratislava.
2013
Installation vidéo et travaux sur papier pour la Carte blanche à Joseph Elm.
Fac’tory au MARQ #2.
Musée d’Art Roger Quillot, Clermont-ferrand.
2012
Publication de photographies dans le second numéro de la revue DRONE Pattern and Sampling.
2011
Publication de la série Archéologie(s) dans la revue DRONE#0.
2010
Vidéo SHEA projetée lors de la Nuit Blanche
en collaboration avec le collectif ECHO
Eglise Saint Joseph des Nations, Paris 11ème.
Everything That Can Happen In a Day de David Horvitz,
Collaboration au projet artistique et éditorial.
Éditions Thames & Hudson.
Formation
Mai 2016 : DNSEP, Félicitations du Jury
ENSBA Lyon.
2015 : Assistante de Petra Feriancova,
Bratislava,Slovaquie / Naples, Italie.
Juin 2014 : DNAP. Félicitations du Jury.
ENSBA Lyon.
2009-2012 : Licence Arts Plastiques et Sciences de l’Art
Université Paris 1, la Sorbonne.